Category: Atelier Cuma
CUMA – Club d’Utilisation du Matériel Architectural
Sophie Dars, Thierry Decuypere
L’atelier CUMA poursuit depuis plusieurs années un cycle de réflexion visant l’impact du “changement de régime climatique” et ses effets sur notre discipline tant dans un élargissement des acteurs concernés (humains, non humains) que dans le rôle de la matérialité comme agent actif du processus de conception architecturale. L’atelier prend appui sur de nombreux auteurs (entre autres Haraway, Stengers, Latour), de conférences et de projets prenant la mesure de l’état du monde depuis que l’équipe du MIT de Dennis Meadows a publié en 1972 son rapport intitulé « The Limits to Growth ». CUMA propose de s’interroger d’une part sur la capacité spéculative de l’architecture, sa capacité à faire penser et, d’autre part de questionner notre rapport avec la matière au sens large.
Depuis plusieurs années, l’atelier propose un décentrement vis-à-vis des manières de lire les territoires (Pajottenland, Mouscron, Ganshoren, Vesdre). A l’inverse d’une lecture anthropocentrée et utilitariste héritée des traditions de l’urbanisme occidental il s’agit d’apporter une attention accrue à la place des acteurs non-humains, plantes, matériaux et pratiques minoritaires. Ces non-humains sont extirpés de leur passivité et de leur statut de simple moyen et élevé à un rôle actif exigeant respect et une attention renouvelée. Ainsi l’asphalte, la brique, les haies, l’eau de pluie, un marais, une carrière de pierre abandonnée, les rebus de chantier etc. sont saisis comme des entrées dans la compréhension de l’histoire et du caractère particulier d’un territoire.
Évitant la posture de la critique comme celle de l’utopie, s’interdisant le jeu fascinant de la fiction ou celui aisé de la dénonciation, CUMA propose aux étudiants de faire l’exercice engagé de la narration spéculative avec une question simple : comment nos territoires accueillent les enjeux et conséquences des mutations écologiques en devenir ?
Cette année l’atelier a travaillé pendant un an sur la question de l’eau à partir de la vallée de la Vesdre qui a subi l’été dernier de dramatiques inondations, en partie explicables par une perte de la connaissance des puissances spécifiques à l’eau. Cette connaissance fine d’un élément essentiel s’est perdue dans sa réduction à une contrainte technique présentant ci et là quelques vertus paysagères. Qui sait encore d’où vient l’eau ? Où s’écoule-elle ? A qui appartient-elle ?
Au premier quadrimestre, nous avons utilisé nos compétences d’architectes pour illustrer les modes d’être de l’eau, et fabriquer un imaginaire partageable avec les acteurs locaux.
Les masters ont déployé au moyen de cartes, atlas et maquettes les multiples récits de l’eau dans la vallée de la Vesdre, à partir de thématiques comme l’eau potable, les eaux grises, l’eau loisir, l’eau énergie, l’hydrogéologie, l’eau terraformée, l’inondation etc.
Les bacheliers ont construit un atlas de références architecturales et urbaines pour approfondir le lien qu’entretiennent l’architecture et l’eau dans notre discipline, constituant un panorama des interactions spatiales et techniques entre eau et architecture.
Au second quadrimestre, les étudiants ont été invités à développer un scénario spéculatif de projet sur un territoire choisi le long des 70 km de la Vesdre avec comme seule contrainte d’exercice d’édifier une plateforme collective qui fait de l’eau le premier agent du projet construit.